Max, petit cactus en pot, déprimait ferme dans son petit pot en terre. Depuis sa plus tendre enfance, il s’était trouvé emprisonné dans ce réceptacle étroit, guettant les petites pluies octroyées par la déesse des lieux, quasi inexistantes au demeurant, car elle négligeait ces petits compagnons de seconde zone, préférant accorder ces attentions au philodendron, à l’Amaryllis et à la belle plante géante d’à côté. Moins piquantes à ce qu’il paraît, plus dociles, et poussant plus vite.

Lui et ses petits frères , au nombre de six en tout, n’avaient jamais été séparés. Seb, le petit dernier, avait failli périr d’une fracture du pot, mais on lui avait fait une greffe de pot en verre (de type pot de crème caramel), qui avait été un succès.

 Mais voilà, Max n’était pas heureux, il voulait voir la mer, ou au moins le désert, puisque c’était là son lieu d’origine, d’après ce qu’il avait entendu dire. Il avait tout essayé pour attirer l’attention de la déesse. Faire une belle fleur rose fuschia, se déssécher à vue d’œil, n’être plus que l’ombre de lui-même, pour lui faire plaisir ou pitié. Rien à faire ! il avait eu un espoir, alors que transbahuté lors d’un déménagement, il avait atterri dans un carton oublié et qu’il avait regardé défilé le paysage. Peut-être était-ce la voie vers la liberté ? Tentant de sortir de son carton, il n’avait réussi qu’à sortir son pied desséché de son pot, et n’avait pas atteint le bord du carton, trop haut pour ses milliers de doigts piquants. Dès l’arrivée, la déesse l’avait saisi de les longs appendices roses, et l’avait amoureusement replacé dans son pot, avec des paroles réconfortantes.

Après une période de travaux éprouvants, il avait trouvé sa place définitive : au bord d’un canyon séparant le canapé rouge du rebord de mur coupé ou il se trouvait. Au sol, une couleur l’intriguait. Plus celle du parquet comme autrefois, mais une couleur de sable… Il lui semblait rêver ! Se trouvait il au bord du grand canyon, le désert du Névada sous les pieds ? Les tons rouges et ocres, le grand canyon… tout concordait. Il ne lui restait qu’à atteindre le fond du canyon, pour retrouver ses semblables, peut-être, qui sait, ces parents.

Aussi, un dimanche après-midi, décida-t-il de prendre son courage à mille piquants. Il approcha discrètement son pot du bord. Alors que les appendices de la déesse se rapprochait de lui, à la recherche de son voisin le téléphone, il rechercha le contact, et se trouva projeté dans les airs.

L’espace d’un instant, il se senti hélicoptère, comme les fruits de son cousin lointain érable, qui s’envolent pour se reproduire plus loin. Hélas, la chute fut rude. Et trop rapide. Alors qu’il s’attendait à atterrir sur le sable si fin du désert, c’est le carrelage couleur sable qui l’accueillit, à carreaux grands ouverts, mais avec toute la dureté qui le caractérise. Il se retrouva sous le canapé, le pot fracturé et éparpillé, son joli rêve brisé.

Peut-être la déesse créera –t-elle un mini désert rocailleux pour lui et ses frères un jour prochain. Le voilà maintenant muni d’un pot en verre !

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